La grotte de Pezenas (Sanilhac) compte parmi les cavités les plus importantes du département de l’Ardèche. Elle constitue, avec d’autres, un important réseau spéléologique développant plus de 15 km de galeries sous la couverture des grès du Trias supérieur (environ 200 Ma) entre les rivières la Ligne et la Beaume.

Planimétrie système Chamandre

Bref Historique des explorations

En mai 1953, J. et B. Choppy et R. Jançon explorent un kilomètre dans la grotte de Pezenas. Vingt ans plus tard (1971-1973), le GS Excentriques de la MJC de Givors (69) trouve le passage clé du labyrinthe de la cavité. Ils atteignent le terminus amont du grand collecteur, parcourent plusieurs centaines de mètres dans l’affluent Muriel et trouvent le siphon terminal aval. Le même groupe explore 950 m dans la grotte de Rochepierre et découvre le Trou Qui Bouffe (150 mètres). En 1977, Joyeuse découvre le Trou du Dédé et explore 900 mètres de galeries. Les explorations se poursuivent, et en 1980 la jonction est réalisée par Joyeuse entre la Grotte de Pezenas et le Trou du Dédé (5 840 mètres). En novembre 1985, un pompage est tenté à Chamandre, avec succès, car 800 mètres sont découverts et la topographie est complètement levée sur 1 500 mètres. En 1988, les Excentriques jonctionnent Chamandre avec Rochepierre et topographient le système (2 976 mètres). En 2009, le Spéléo Club d’Aubenas revisite le Trou Qui Bouffe, franchit la trémie terminale et explore environ 400 mètres de nouvelles galeries (TUBES n°27-2011).

Le grand collecteur (Mickaël LEROY)

 

Problème d’altitude

Les dernières explorations au Trou Qui Bouffe ont donc permis de se rapprocher du siphon terminal de la Grotte de Pezenas. Un affluent se termine lui aussi par une trémie ventilée. Par contre les altitudes ne correspondaient pas. Avec une cote de -48 mètres pour le Trou Qui Bouffe,  le terminus se retrouvait 58 mètres plus bas que le terminus de Pezenas. Or les réseaux du secteur ont habituellement une pente de 9% sans verticale. De plus, avec une côte de -71 mètres pour la Grotte de Pezenas, cela impliquerait que le collecteur aval aurait dû se faire recouper par le ruisseau du Blajoux !  La topographie de la Grotte de Pezenas était donc entachée d’une erreur en dénivelé d’au moins 60 mètres !

Une vaste opération

A l’invitation du Spéléo Club d’Aubenas, 16 spéléologues se sont retrouvés le samedi 10 décembre 2016 afin de réaliser une vaste opération visant plusieurs objectifs :
–    Mettre en place un balisage de protection dans la partie amont du grand collecteur de Pezenas,
–    Réaliser des essais de communication par le sol à l’aide des TPS du Spéléo Secours, afin de bénéficier d’une expérience sur ce secteur,
–    Réaliser un calage topographique depuis la surface, grâce à l’installation d’une balise magnétique sous terre,
–    Réaliser la jonction entre le Trou Qui Bouffe et la Grotte de Pezenas.

Après un briefing des équipes sous terre sur l’utilisation des TPS et de la mise en œuvre de la balise (réalisation de Marcel COURBIS), les premières équipes rentrent dans la grotte de Pezenas à 10h. Pendant que celles-ci progressent dans la cavité, le reste des équipes rejoint la confluence des ruisseaux du Blajoux et de Rochepierre, où s’ouvre le Trou Qui Bouffe, où sera installé le TPS en surface et où devrait se trouver l’aplomb de la balise magnétique installée sous terre.

A 12h45, la balise est détectée en surface par Marcel Courbis.
A 14h, le repérage est terminé et indique une profondeur de -38,5 mètres depuis le versant rive gauche du ruisseau du Blajoux.

A 13h, le TPS de surface communique avec le TPS installé à proximité de la balise magnétique sous terre (au niveau de la C2 à l’aval du ruisseau de Chamandre).
A 14h, le TPS de surface communique aussi avec le TPS au fond du Trou Qui Bouffe.

A 14h30, la jonction entre le Trou Qui Bouffe et la Grotte de Pezenas est réalisée. D’abord grâce à un ARVA, puis au son de la massette, puis à la voix, puis à la vue, puis après le passage d’une étroiture par un serrage de main, puis après avoir bougé quelques blocs dans la trémie, la jonction est humainement réalisée à 15h.

Jérôme JOURET et Cédric THOMINE, venus de Pezenas, ressortent par le Trou Qui Bouffe. Judicaël ARNAUD venant du Trou Qui Bouffe, ressort par Pezenas, réalisant ainsi la première traversée.

Concrétionnement (Mickaël LEROY)

Résultats

Le concrétionnement particulier (aragonite) de l’amont du grand collecteur de Pezenas bénéficie maintenant d’un balisage de protection.

Le TPS installé au grand carrefour n’est pas rentré en communication, ni avec la surface, ni avec les autres TPS sous terre. Cela provient sûrement de l’installation des antennes sur des couches géologiques différentes des autres stations. Pourtant ce point de communication serait intéressant à valider dans l’hypothèse d’un secours à réaliser dans cette cavité. Aussi un second essai de TPS sera nécessaire à cet endroit (ou plus en amont où la géologie semble plus favorable), avec 2 TPS en surface.

La spéléométrie de la  grotte de Pezenas se trouve « bouleversée ». Avec la jonction du Trou Qui Bouffe, le développement augmente de 700 mètres et passe ainsi 6 540 mètres. Le dénivelé reste inchangé, mais cette jonction permet de caler l’altitude du siphon aval de Pezenas à 222 mNGF. Ce qui porte le dénivelé total du réseau de Pezenas à -135 mètres.

La traversée Pezenas – Trou Qui Bouffe (ou l’inverse) ne sera jamais une classique ! Le parcours y est plus que sportif (combrajesque pour les spécialistes). Et ceux qui l’ont réalisé vous la déconseillent ! Le brancardage ou le simple passage d’une civière est utopique dans certaines parties de la cavité. Le risque de crue est non négligeable. Même si les variations de débit dans la grotte de Pezenas sont calibrées par un ensemble de pertes diffuses du ruisseau du même nom, la Trou Qui Bouffe quant à lui s’ennoie entièrement lorsque le ruisseau de Rochepierre atteint l’entrée (+2m). Le siphon terminal de Pezenas agissant comme un frein à l’écoulement, on peut facilement imaginer des mises en charge par refoulement dans la partie aval de Pezenas.

Participants : ARNAUD Judicaël / BLU Christelle / DESNOS Benoit  / GENUITE Pat / JOURET Jérôme / LESSARD Yannick / MAO Pascal / MOULIN Abel / PASCAULT Benoit / SALLES Vincent / THOMINE Cédric (Spéléo Club Aubenas) / BIONDOLILLO Gaëlle / PACAUT Jean-François (Association Spéléo Privadoise) / COURBIS Marcel (Groupe Spéléo Forez) / GALEA  Luc (Spéléo Club Saint Marcel) / RIAS Lionel (Club Spéléo Vallon).